Les mégots de cigarettes continuent d’émettre des substances chimiques, plusieurs heures voire plusieurs jours après avoir été éteints, exposant les personnes environnantes à ce que des scientifiques qualifient de « fumée tertiaire », selon une nouvelle étude américaine.
Les mégots peuvent être trouvés partout dans notre environnement urbain : sur les trottoirs, dans les parcs et dans les caniveaux. Détestés par les écologistes et les groupes anti-tabac, les mégots sont devenus la bête noire des villes qu’elles ciblent dans des campagnes contre les déchets sauvages.
Au Canada, les rues sont jonchées d’environ 52 millions de cigarettes, chaque année. Dans le monde, le National Geographic Magazine signale qu’il s’agit du déchet le plus jeté au sol, avec une durée de décomposition moyenne de 25 ans.
Bien qu’il y ait eu un nombre considérable d’études traitant de l’impact des mégots, une fois au sol (notamment sur l’impact des filtres plastique), peu d’études ont été conduites sur l’impact des mégots, une fois éteints.
Mesurer les émissions des mégots « froids »
Pour répondre à cette question, la FDA (Food and Drug Administration) a fait appel à Dustin Poppendieck et ses collègues du National Institute of Standard and Technology de Gaithersburg, dans l’état du Maryland, aux États-Unis, pour mener à bien une étude.
Pour Poppendieck, le premier défi a été de comprendre comment mesurer les émissions des mégots « froids ». La réponse a été trouvée dans la construction d’une « machine à fumée » qui « fumerait » environ 2 100 cigarettes tout en préservant les techniciens des émissions.
L’équipe a ensuite collecté les mégots de cigarettes and les a placés dans une pièce hermétique. Des appareils de mesure ont alors été utilisés pour prendre des échantillons de l’air ambiant.
Poppendieck a trouvé les résultats plutôt surprenants.
Les résultats de l’équipe ont montré que la plupart des mégots continuaient d’émettre de la nicotine et la triacétine, un plastifiant utilisé dans les filtres, 24 heures après avoir été refroidis.
Poppendieck a été également étonnée de constater que le taux de concentration chimique restait à 50% du taux initial, 5 jours plus tard.
« Cela a été une expérience révélatrice », dit-il. « Depuis longtemps, nous savons que les mégots de cigarettes sont un problème, mais maintenant nous sommes en mesure de quantifier le taux de nicotine qu’ils émettent. »
La température joue aussi un rôle, ajoute-t-il. Les endroits chauds (définis avec une température de plus de 25°C dans cette étude) permettent aux mégots éteints d’émettre des substances chimiques à de taux plus élevés.
Une température ambiante froid ralentit les niveaux d’émissions.
« Durant l’hiver, nous pouvons voir un ralentissement, pendant l’été cela reprend de plus belle rapidement », dit-il.
La fumée tertiaire : une nouvelle voie d’exposition
Les voies d’exposition traditionnelles, telles que la fumée primaire (le fait de fumer une cigarette) et la fumée secondaire (le fait d’être exposé à la fumée produit par la cigarette) font l’objet d’études scientifiques depuis des années.
Plus récemment, les scientifiques ont veillé à examiner ce que Poppendieck qualifie de « fumée tertiaire » : les substances chimiques auxquelles une personne peut être exposée dans une maison d’un fumeur, par exemple.
Les substances chimiques sont souvent trouvées sur les murs, les sols, la poussière et le mobilier des maisons des fumeurs.
Il indique également cela peut être ce que vous pouvez sentir lorsqu’un fumeur prend l’ascenseur avec vous. Les niveaux d’exposition, montrés dans les résultats de cette étude, se situent entre ceux de la fumée primaire et ceux de la fumée secondaire, affirme Poppendieck.
« C’est un peu entre la fumée primaire et secondaire : il ne s’agit pas de la fumée qui va généralement dans les poumons du fumeur », dit-il. « C’est autre chose ». Poppendieck qualifie ce nouveau niveau d’exposition de fumée tertiaire.
Poppendieck signale qu’il ne peut affirmer si ce niveau d’exposition est dangereux : plus d’études doivent être réalisées. Néanmoins, les résultats montrent que ce phénomène de fumée tertiaire est l’équivalent d’une semaine d’exposition au tabagisme.
« La nicotine est addictive et cela se transmet dans l’environnement », dit-il. « Après une semaine, vous obtenez le même taux que si vous fumiez. »
Un exemple d’exposition à la « fumée tertiaire » serait de laisser un cendrier dans une voiture. Après environ une semaine, les émissions de ces mégots vont imprégner l’habitacle et les matériaux de la voiture, exposant les non-fumeurs aux substances chimiques.
Poppendieck déclare que tout l’enjeu est dans la réduction ou la suppression de l’exposition à la fumée tertiaire, en se débarrassant de ses mégots de façon responsable. Cela veut dire vider les cendriers ou autres contenants sans plus attendre.
Une façon de répondre à ce problème est d’utiliser un contenant hermétique, comme un bocal en verre avec du sable. Les cendriers de poche peuvent également répondre à ce problème.
Poppendieck admet qu’après cette étude il ne verra plus les mégots de cigarettes de la même façon et affirme que les mégots devraient être considérés comme déchets dangereux qui devraient être jetés proprement à la poubelle.
« Le plus important est que les fumeurs mettent leurs mégots dans des contenants hermétiques», conclue le chercheur.
Traduit de : https://toronto.citynews.ca/2020/02/24/cigarette-butts-study